L’éconduite

Appuyant de ses yeux sur le noir ciment lisse, sur les vitrines blanches, sur le maquillage des jeunes filles, l’homme se promène dans Tokyo comme on embrasse, une dernière fois, la femme que l’on n’aime plus. Il n’y a guère de passion dans ce baiser phatique, non plus que de tendresse, c’est à peine un écho, une singerie de la passion ancienne. Il ne dit pas « je t’aime », mais « je t’ai bien aimé ». Au fond, il se demande comment il a pu faire ; au fond, il vient chercher les unes après les autres les formes disgracieuses qui pourraient confirmer la décision de son départ ; enfin, il pourra dire « excuse-moi » et il pourra cacher, plein de pitié, de dégoût, le visage de l’éconduite coulant du nez sur son épaule.

Arrivé ému par sa beauté, il partira rassuré par sa laideur – elle ne le mérite pas ! – et laissera enfin derrière lui la ville de pierres frigide, la poupée de ciment depuis toujours indifférente à ses étreintes, et à ses comédies.

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